Pourquoi avoir créé bitcoin ?

La promesse d’Internet en 1995… à la réalité de 2008

Il n’a fallu qu’un peu plus de 10 ans pour constater l’échec des promesses d’Internet telles qu’exprimées en 1996, à Davos, par John Perry Barlow avec la Déclaration d’Indépendance du Cyberespace.

Au début des années 90, l’émergence du World Wide Web s’accompagne d’une vision libertaire, fondée sur des valeurs dont :

  • La décentralisation
    Un protocole décentralisé où chaque membre du réseau est libre de se déconnecter et agit uniquement avec les membres auxquels il est connecté = sans autorité centrale.
  • L’accès pour tous
    Un réseau en Open Access, permettant de communication à travers le monde ouvertes à chacun = sans contrôle d’accès.
  • Egalité de traitement
    Sans différence de traitement entre les adresses IP, permettant les mêmes services à chaque utilisateur
  • Protection de la vie privée
    Utilisant uniquement les interactions du protocole, et ne nécessitant aucune information personnelle.
  • Liberté d’expression
    Permettant à chacun de s’exprimer librement, et donc à quiconque d’accès à toutes informations ou savoir, sans censure.

En 2008, le constat est difficile.

La décentralisation a été mise à mal par la guerre des DNS, et par la centralisation de la normalisation du réseau aux USA. La centralisation des autorités de certification (certificat SSL) confirme cette puissance américaine sur le réseau. Enfin, la limitation du marché des navigateurs bloque les possibilités d’alternatives, par refus de certificats SSL not-trusted, ou par la non-compatibilité avec certaines extensions DNS.

Par ailleurs, de nombreuses régions du monde restent non-connectées à Internet. cf Internet.org

Les heureux internautes découvrent doucement qu’ils sont de plus en plus tracés via l’utilisation des cookies. A mesure que l’e-commerce et les réseaux sociaux se développent, les enjeux de profiling des utilisateurs augmentent, et les méthodes d’analyse des données personnelles se professionnalisent. Le data mining se généralise, poussé par les écoutes des FAI, des applications mobiles, …
Le dicton « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit » se répend… mais le comportement de la majorité des utilisateurs reste.

Internet commence alors à se couper en deux.

Des groupes et des solutions technologiques existent tels que le téléchargements peer to peer Torrent, les actions du groupe Anonymous et le réseau TOR, mais la plupart restent limitées au regard de la masse des utilisateurs.

Les débuts utopiques d’Internet laissent la place à une dystopie soumise aux contraintes réglementaires et aux agissement d’entreprises peu scrupuleuses des données des utilisateurs.

Raison #1 – Limites de l’existant

Tandis que l ’essor d’Internet et de la digitalisation refaçonne les sociétés occidentales et les espaces d’expression, les lacunes du système financier ne sont pas comblées.

Accès

Une partie considérable de la population est toujours laissée en dehors du système financier. Bien qu’en phase de réduction, la population non bancarisée est estimée à 2 milliards d’adultes.

Frais pour l’envoi d’argent (remittance)

Des taux prohibitifs de 5% à 30% sont appliqués pour des transferts d’argent à destination de pays en voie de développement.

(Source : Tarification Western Union)

Traçage des paiements par les banques commerciales

Dans les pays développés, le contrôle des citoyens se renforce dans le contexte post-septembre 2001. Tandis que leurs données sont scrutées, ils sont à la merci d’une suspension de leurs droits d’accès à leurs comptes.

Perte de valeur

Plus grave pour la stabilité économique, les politiques de monnaies inflationnistes gouvernées par les Banques Centrales facilitent un recours massif à l’emprunt. L’inflation rogne les économies des épargnants, voir les fait fondre comme neige au soleil dans les pays ou une hyperinflation se déclenche.  La mauvaise monnaie remplace la bonne monnaie et l’inflation, cet impôt caché, se révèle particulièrement destructrice. Sur un siècle, le dollar US perd 99% de sa valeur. 

Des monnaies inflationnistes gouvernées par les Banques Centrales

Sur un siècle (1+0.02)^100 = 7,24   ///    (1-0.02)^100 = 0,13

Raison #2 – Le besoin d’une monnaie dans la logique d’internet

Une transaction est un ensemble assez simple de données. Une transaction est composée d’un émetteur, d’un destinataire, d’un montant et d’une preuve que l’émetteur souhaite cette transaction et qu’il dispose du montant nécessaire.

Ainsi, une transaction étant un ensemble de données plus petit qu’un e-mail, il n’y a pas de raison technique pour que le délai de traitement soit supérieur.

Raison #3 – L’absence d’évolution du domaine monétaire en 1990 – 2010

Les solutions ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les banques se numérisent et des solutions technologiques sont bien proposées et parfois même elles rencontrent un franc succès, tel que le portail en ligne, le paiement sans contact, le paiement via un compte de téléphonie mobile ou bien même le paiement en ligne sans posséder de compte bancaire de type Paypal. Cependant, ces innovations n’altèrent pas la nature du système financier et des paiements. En un sens, elles améliorent le système existant sans effectuer une disruption profonde. Elles fluidifient les échanges mais ne proposent pas de se substituer aux acteurs et infrastructures existantes.

Bien entendu, une disruption complète n’était pas envisagée par la plupart des acteurs de l’écosystème, ou même par les utilisateurs non avertis. Henry Ford aurait dit que s’il avait demandé à ses clients ce qu’ils voulaient, ils auraient répondu : un cheval plus rapide. Si la phase n’a peut être jamais été dite par le grand constructeur automobile, elle n’en est pas moins véridique dans le sens ou les utilisateurs eux même n’envisagent pas toujours la transformation nécessaire qui doit être effectuée pour résoudre les problèmes profonds.

En résumé, à l’aube de la création du Bitcoin, la révolution Internet est déjà désenchantée et les lendemains ne chantent plus. La question de comment recevoir, stocker et envoyer de l’argent de personne à personne (P2P), via Internet n’est résolu que grâce à des innovations du système existant, sans vision disruptive.

Une nouvelle vision va converger avec un faisceau d’innovations technologiques qui vont permettre l’émergence d’un nouveau modèle monétaire. L’alliance de la couverture Internet généralisé dans les pays développé, la démocratisation  des smartphones, la culture open source, l’existence de réseaux peer to peer et de technologies de preuve de travail et de cryptographie vont permettre une nouvelle arche d’être scellée: le Bitcoin, par Satoshi Nakamoto.

=> Préhistoire des crypto-monnaies